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Jean-Christophe

point troubler son chagrin par des paroles inutiles. Pourtant il voulait savoir… elle était la seule qui pût lui parler d’elle. Il demanda tout bas :

— Quand est-elle… ?

(Il n’osait dire : morte).

Elle répondit :

— Il y a eu samedi huit jours.

Un souvenir lui traversa l’esprit. Il dit :

— Dans la nuit.

Rosa le regarda, étonnée, et dit :

— Oui, la nuit, entre deux et trois heures.

La mélodie funèbre lui réapparut.

Il demanda, en tremblant :

— A-t-elle beaucoup souffert ?

— Non, non, grâce au ciel, cher Christophe, elle n’a presque pas souffert. Elle était si faible ! Elle n’a fait aucune résistance. Tout de suite, on a vu qu’elle était perdue.

— Et elle, est-ce qu’elle l’a vu ?

— Je ne sais pas. Je crois…

— Elle a dit quelque chose ?

— Non, rien. Elle se plaignait, comme un petit enfant.

— Tu étais là ?

— Oui, les deux premiers jours, j’étais là toute seule, avant que son frère ne vînt.

Il lui serra la main, dans un élan de reconnaissance.

— Merci.

Elle sentit le sang lui refluer au cœur.

Après un silence, il dit, il balbutia la question qui l’étouffait :

— Elle n’a rien dit… pour moi ?

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