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l’adolescent

et, de nouveau, elle s’arrêtait court. Il finit par le remarquer, et dit :

— Mais qu’est-ce que tu as donc, Rosa ? Est-ce que tu me boudes ?

Elle secoua énergiquement la tête, pour dire que non ; et, se tournant vers lui, avec sa brusquerie habituelle, des deux mains elle lui prit le bras :

— Oh ! Christophe !… dit-elle.

Il fut saisi. Il laissa tomber le morceau de pain qu’il tenait.

— Quoi ! Qu’est-ce qu’il y a ? fit-il.

Elle répétait :

— Oh ! Christophe !… Il est arrivé un tel malheur !…

Il repoussa la table. Il bégaya :

— Ici ?

Elle montra la maison, de l’autre côté de la cour.

Il cria :

— Sabine !

Elle pleura :

— Elle est morte.

Christophe ne vit plus rien. Il se leva, il se sentit tomber, il s’accrocha à la table, il renversa ce qui était dessus, il voulut crier. Il souffrait de douleurs atroces. Il fut pris de vomissements.

Rosa, épouvantée, s’empressait auprès de lui ; elle lui tenait la tête, pleurait.

Aussitôt qu’il put parler, il dit :

— Ce n’est pas vrai !

Il savait que c’était vrai. Mais il voulait le nier, il voulait faire que ce qui était ne fût pas. Quand il vit le visage de Rosa tout ruisselant de larmes, il ne douta plus, et il sanglota.

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