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l’adolescent

du retour, que la pensée de Sabine le reprit. Il ne lui avait pas écrit. Il était même si insouciant, qu’il n’avait pas pris la peine de réclamer à la poste les lettres qu’on aurait pu lui adresser. Il trouvait une jouissance secrète à ce silence, il savait que là-bas on l’attendait, et qu’on l’aimait… Qu’on l’aimait ? Jamais elle ne le lui avait dit encore, jamais il ne le lui avait dit. Sans doute, ils le savaient, sans avoir besoin de le dire. Pourtant, rien ne valait la sûreté de cet aveu. Pourquoi avaient-ils tant attendu pour le faire ? Quand ils étaient près de parler, quelque chose, toujours, — un hasard, une gêne, — les en avait empêchés. Pourquoi ? Pourquoi ? Que de temps ils avaient perdu !… Il brûlait d’entendre les chères paroles sortir de la bouche aimée. Il brûlait de les lui dire, il les disait tout haut, dans son compartiment vide. À mesure qu’il approchait, l’impatience l’étreignait, une sorte d’angoisse… Plus vite ! Plus vite donc ! Oh ! penser que dans une heure il allait la revoir !…