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Ils se séparèrent de bonne heure. Leurs chambres étaient voisines. Une porte intérieure menait de l’une à l’autre. Christophe vérifia machinalement que le verrou était mis du côté de Sabine. Il se coucha et s’efforça de dormir. La pluie cinglait les vitres. Le vent hululait dans la cheminée. Une porte battait à l’étage au-dessus. Un peuplier battu par l’ouragan craquait devant la fenêtre. Christophe ne pouvait fermer les yeux. Il pensait qu’il était sous le même toit, auprès d’elle. Un mur l’en séparait. Il n’entendait aucun bruit dans la chambre de Sabine. Mais il croyait la voir. Soulevé sur son lit, il l’appelait à voix basse, à travers la muraille, il lui disait des mots tendres et passionnés, il lui tendait les bras. Et il lui semblait qu’elle lui tendait aussi les bras. Il entendait en lui la voix aimée qui lui répondait, qui redisait ses paroles, qui l’appelait tout bas ; et il ne savait pas si c’était lui qui faisait les demandes et les réponses, ou si vraiment elle parlait. À un appel plus fort, il ne put résister : il se jeta hors du lit ; à tâtons dans la nuit, il s’approcha de la porte ; il ne voulait pas l’ouvrir, il se sentait rassuré par cette porte fermée. Et comme il touchait de nouveau à la poignée, il vit que la porte s’ouvrait…

Il fut saisi. Il la referma doucement, il la rouvrit, il la referma encore. N’était-elle pas fermée tout à l’heure ?

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