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Jean-Christophe

— Et puis, dit-elle, c’est le seul moment de la semaine, où l’on peut jouir en paix du jardin.

— Oui, dit Christophe. Ils ne sont pas là.

Ils se regardèrent.

— Quel silence ! fit Sabine. On n’est pas habitué… On ne sait plus où on est…

— Oh ! cria brusquement Christophe avec colère, il y a des jours où j’ai envie de l’étrangler !

Il n’était pas besoin d’expliquer de qui il voulait parler.

— Et les autres ? demanda Sabine gaiement.

— C’est vrai, dit Christophe, découragé. Il y a Rosa.

— Pauvre petite ! dit Sabine.

Ils se turent.

— Si c’était toujours comme c’est maintenant !… soupira Christophe.

Elle leva vers lui ses yeux riants, puis les baissa de nouveau. Il s’aperçut qu’elle travaillait.

— Que faites-vous là ? demanda-t-il.

(Il était séparé d’elle par le rideau de lierre tendu entre les deux jardins).

— Vous voyez bien, dit-elle, en levant une écuelle qu’elle tenait sur ses genoux ; j’écosse des petits pois.

Elle poussa un gros soupir.

— Mais ce n’est pas désagréable ! dit-il en riant.

— Oh ! répondit-elle, c’est mourant, d’avoir à s’occuper toujours de son dîner !

— Je parie, dit-il, que si c’était possible, vous vous passeriez de dîner, plutôt que d’avoir l’ennui de le préparer.

— Bien sûr ! s’écria-t-elle.

— Attendez ! Je vais vous aider.

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