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L’après-midi, le dimanche, la maison restait vide. Toute la famille se rendait à l’église, et entendait les vêpres. Sabine n’y allait point. Christophe, en plaisantant, lui en fit des reproches, une fois qu’il l’aperçut assise devant sa porte, dans le petit jardin, tandis que les belles cloches s’égosillaient à l’appeler. Elle répondit sur le même ton que la messe seule était obligatoire ; les vêpres ne l’étaient pas : il était donc inutile, et même un peu indiscret, de faire excès de zèle ; et elle aimait à penser qu’au lieu de lui en vouloir, Dieu lui en saurait gré.

— Vous faites Dieu à votre image, dit Christophe.

— Cela m’ennuierait tant à sa place ! fit-elle d’un ton convaincu.

— Vous ne vous occuperiez pas souvent du monde, si vous étiez à sa place.

— Tout ce que je lui demanderais, c’est qu’il ne s’occupât pas de moi.

— Cela n’en irait peut-être pas plus mal, dit Christophe.

— Chut ! s’écria Sabine, nous disons des impiétés !

— Je ne vois pas l’impiété qu’il y a à dire que Dieu vous ressemble. Je suis sûr qu’il est flatté.

— Voulez-vous vous taire ! dit Sabine, moitié riant, moitié fâchée. Elle commençait à craindre que Dieu se scandalisât. Elle se hâta de détourner la conversation.

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