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l’adolescent

remets de jour en jour pour le faire… Mais je le ferai sûrement demain.

— Voulez-vous que je vous aide ? dit Christophe.

Elle refusa. Elle eût bien voulu accepter ; mais elle n’osait pas, à cause des commérages. Et puis, cela l’humiliait.

Ils continuèrent à causer.

— Et vos boutons ? dit-elle à Christophe, après un moment. Vous n’allez pas chez Lisi ?

— Jamais de la vie, dit Christophe. J’attendrai que vous ayez rangé.

— Oh ! dit Sabine, qui avait déjà oublié ce qu’elle venait de dire, n’attendez pas si longtemps !

Ce cri du cœur les mit en joie.

Christophe s’approcha du tiroir qu’elle avait repoussé :

— Laissez-moi chercher, voulez-vous ?

Elle courut à lui pour l’empêcher :

— Non, non, je vous en prie, je suis sûre que je n’ai pas…

— Je parie que vous l’avez.

Du premier coup, il ramena, triomphant, le bouton qu’il voulait. Il lui en fallait d’autres. Il voulut continuer de fouiller ; mais elle lui arracha la boîte des mains, et, se piquant d’amour-propre, elle se mit elle-même à chercher.

Le jour baissait. Elle s’approcha de la fenêtre. Christophe s’assit à quelques pas ; la fillette grimpa sur ses genoux. Il feignait d’écouter son verbiage, et y répondait distraitement. Il regardait Sabine, qui se savait regardée. Elle se penchait sur la boîte. Il apercevait sa nuque et un peu de sa joue. — Et tandis qu’il la regardait, il vit qu’elle rougissait. Et il rougit aussi.

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