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Jean-Christophe

— Bah ! c’était bien assez pour une histoire pas vraie. Elle réservait son intérêt pour autre chose que pour des livres.

— Pour le théâtre peut-être ?

— Ah ! bien, non !

— Est-ce qu’elle n’y allait pas ?

— Non. Il faisait trop chaud. Il y avait trop de monde. On est bien mieux chez soi. Les lumières font mal aux yeux. Et les acteurs sont si laids !

Là-dessus, il était d’accord avec elle. Mais il y avait encore autre chose au théâtre : les pièces.

— Oui, fit-elle distraitement. Mais je n’ai pas le temps.

— Que pouvez-vous faire du matin jusqu’au soir ?

Elle souriait :

— Il y a tant à faire !

— C’est vrai, dit-il, vous avez votre magasin.

— Oh ! fit-elle tranquillement, cela ne m’occupe pas beaucoup.

— C’est votre fillette alors qui vous prend tout votre temps ?

— Oh ! non, la pauvre petite ! elle est bien sage, elle s’amuse toute seule.

— Alors ?

Il s’excusa de son indiscrétion. Mais elle s’en amusait.

— Il y avait tant, tant de choses !

— Quelles ?

— Elle ne pouvait pas dire. Il y en avait de toutes sortes. Quand ce ne serait que se lever, faire sa toilette, penser au dîner, faire le dîner, manger le dîner, penser au souper, ranger un peu sa chambre… La

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