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Jean-Christophe

Christophe dut entrer.

Son Excellence le baron de Hammer Langbach, un petit vieux, propret, avec des favoris, des moustaches, et le menton rasé, regarda Christophe par dessus ses lunettes d’or, sans s’interrompre d’écrire, ni répondre par un signe de tête à ses saluts embarrassés.

— Ainsi, dit-il après un moment, vous demandez, monsieur Krafft ?…

— Votre Excellence, dit précipitamment Christophe, je vous prie de me pardonner. J’ai réfléchi. Je ne demande plus rien.

Le vieillard ne chercha pas à avoir une explication de ce revirement subit. Il regarda plus attentivement Christophe, toussota, et dit :

— Voudriez-vous me donner, monsieur Krafft, la lettre que vous tenez à la main ?

Christophe s’aperçut que le regard de l’intendant était fixé sur le papier qu’il continuait, sans y penser, à froisser dans son poing.

— C’est inutile, Votre Excellence, balbutia-t-il. Ce n’est plus la peine maintenant.

— Donnez, je vous prie, reprit tranquillement le vieillard, comme s’il n’avait pas entendu.

Christophe, machinalement, donna le chiffon de lettre ; mais il se lança dans un flot de paroles embrouillées, tendant toujours la main pour ravoir la

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