Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 2.djvu/113

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
le matin

souffrir Christophe. Il n’était pas méchant : il avait l’âme d’une fille.

Il continua donc, malgré ses promesses, à se montrer bras dessus, bras dessous, avec Franz, ou avec quelque autre camarade ; ils faisaient grand bruit ensemble, et il riait de façon affectée. Quand Christophe lui faisait des réflexions, il ricanait et n’avait pas l’air de les prendre au sérieux, jusqu’à ce que, voyant les yeux de Christophe changer et ses lèvres trembler de colère, il changeât de ton aussi, pris de peur, et promît de ne plus recommencer. Il recommençait le lendemain. Christophe lui écrivait des lettres furibondes, où il l’appelait :

— Gredin ! Que je n’entende plus parler de toi ! Je ne te connais plus. Que le diable t’emporte, toi, et tous les chiens de ton espèce !

Mais il suffisait d’un mot larmoyant d’Otto, ou, comme il fit une fois, de l’envoi d’une fleur symbolisant sa constance éternelle, pour que Christophe se fondît en remords, et écrivît :

— Mon ange ! Je suis un fou. Oublie mon imbécillité. Tu es le meilleur des hommes. Ton petit doigt vaut mieux à lui seul que le stupide Christophe tout entier. Tu as des trésors d’ingénieuse et délicate tendresse. Je baise ta fleur avec des larmes. Elle est là, sur mon cœur. Je l’enfonce dans ma peau, à coups de poing. Je voudrais qu’elle me fit saigner,

101