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LA NOUVELLE JOURNÉE

sait… Ô terre, terre ardente, terre passionnée et muette ! Sous ta paix fiévreuse, j’entends sonner encore les trompettes des légions. Quelles fureurs de vie grondent dans ta poitrine ! Quel désir du réveil !


Christophe trouva des âmes, où brûlaient des tisons du feu séculaire. Sous la poussière des morts, ils s’étaient conservés. On eût pensé que ce feu se fût éteint, avec les yeux de Mazzini. Il revivait. Le même. Bien peu voulaient le voir. Il troublait la quiétude de ceux qui dormaient. C’était une lumière claire et brutale. Ceux qui la portaient, — de jeunes hommes (le plus âgé n’avait pas trente-cinq ans), une élite venue de tous les points de l’horizon, libres intellectuels, qui différaient, entre eux, de tempérament, d’éducation, d’opinions et de foi — étaient unis dans le même culte pour cette flamme de la nouvelle vie. Les étiquettes de partis, les systèmes de pensée ne comptaient point pour eux : la grande affaire était de « penser avec courage ». Être francs, être braves, d’esprit et de fait. Ils secouaient rudement le sommeil de leur race. Après La résurrection politique de l’Italie, réveillée de la mort à l’appel des héros, après sa toute récente résurrection économique, ils avaient entre-