sur ma route, frères qui m’avez, un instant, donné la main, esprits mystérieux éclos de ma pensée, morts et vivants, — tous vivants, — ô tout ce que j’ai aimé, tout ce que j’ai créé ! Vous m’entourez de votre chaude étreinte, vous me veillez, j’entends la musique de vos voix. Béni soit le destin, qui m’a fait don de vous ! Je suis riche, je suis riche… Mon cœur est rempli !…
Il regardait la fenêtre… Un de ces beaux jours sans soleil, qui, comme disait le vieux Balzac, ressemblent à une belle aveugle… Christophe s’absorbait dans la vue passionnée d’une branche d’arbre qui passait devant les carreaux. La branche se gonflait, les bourgeons humides éclataient, les petites fleurs blanches s’épanouissaient ; et il y avait, dans ces fleurs, dans ces feuilles, dans tout cet être qui ressuscitait, un tel abandon extasié à la force renaissante que Christophe ne sentait plus sa fatigue, son oppression, son misérable corps qui mourait, pour revivre en la branche d’arbre. Le doux rayonnement de cette vie le baignait. C’était comme un baiser Son cœur trop plein d’amour se donnait au bel arbre, qui souriait à ses derniers instants. Il songeait qu’à cette minute, des êtres s’aimaient, que cette heure d’agonie pour lui, pour d’autres était une heure d’extase,