Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 10.djvu/219

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

203
LA NOUVELLE JOURNÉE

tait à ses fautes : certes, elles ne lui pesaient guère ; il les trouvait naturelles. Il avait de la moralité une autre conception que Christophe. Il était de cette espèce de jeunes gens qui volontiers ne voient dans les rapports entre les sexes qu’un libre jeu, dénué de tout caractère moral. Une certaine franchise et une bonté insouciante étaient tout le bagage suffisant d’un honnête homme. Il ne s’embarrassait pas des scrupules de Christophe. Celui-ci s’indignait. Il avait beau se défendre d’imposer aux autres sa façon de sentir, il n’était pas tolérant ; sa violence de naguère n’était qu’à demi domptée. Il éclatait parfois. Il ne pouvait s’empêcher de taxer de malpropretés certaines intrigues de Georges, et il le lui disait crûment. Georges n’était pas plus patient. Il y avait entre eux des scènes assez vives. Ensuite, ils ne se voyaient plus pendant des semaines. Christophe se rendait compte que ces emportements n’étaient pas faits pour changer la conduite de Georges, et qu’il y a quelque injustice à vouloir soumettre la moralité d’une époque à la mesure des idées morales d’une autre génération. Mais c’était plus fort que lui : à la première occasion, il recommençait. Comment douter de la foi pour qui l’on a vécu ? Autant renoncer à la vie. À quoi sert de se guinder à penser