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LA FIN DU VOYAGE

vinsse tout de suite après déjeuner, sans plus attendre.

— Et tu n’as pas honte de me raconter cela ? Il faut qu’on te force à venir chez moi ?

— Non, non, ne croyez pas… Oh ! je vous ai fâché ! Pardon… C’est vrai, je suis étourdi… Grondez-moi, mais ne m’en veuillez pas. Je vous aime bien. Si je ne vous aimais pas, je ne serais pas venu. On ne m’a pas forcé. Moi, d’abord, on ne me force jamais à faire que ce que je veux faire.

— Garnement ! dit Christophe, en riant malgré lui. Et tes projets musicaux, qu’est-ce que tu en as fait ?

— Oh ! j’y pense toujours.

— Cela ne t’avance pas beaucoup.

— Je veux m’y mettre, à présent. Ces mois derniers, je ne pouvais pas, j’avais tant, tant à faire ! Mais maintenant, vous allez voir comme je vais travailler, si vous voulez encore de moi…

(Il avait des yeux câlins.)

— Tu es un farceur, dit Christophe.

— Vous ne me prenez pas au sérieux.

— Ma foi, non.

— C’est dégoûtant ! Personne ne me prend au sérieux. Je suis découragé.

— Je te prendrai au sérieux, quand je t’aurai vu au travail.