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l’aube

— Quand ?

— On ne sait pas…

— Quand tu étais petit ?

— Avant que je fusse au monde, avant qu’y fût mon père, et le père de mon père, et le père du père de mon père… Cela a toujours été.

— Comme c’est étrange ! Personne ne m’en a jamais parlé.

Il réfléchit un moment :

— Oncle, est-ce que tu en sais d’autres ?

— Oui.

— Chante une autre, veux-tu ?

— Pourquoi chanter une autre ? Une suffit. On chante, quand on a besoin de chanter, quand il faut qu’on chante. Il ne faut pas chanter pour s’amuser.

— Mais pourtant, quand on fait de la musique ?

— Ce n’est pas de la musique.

Le petit resta pensif. Il ne comprenait pas très bien. Cependant, il ne demanda pas d’explications : c’est vrai, ce n’était pas de la musique, de la musique comme les autres. Il reprit :

— Oncle, est-ce que toi, tu en as fait ?

— Quoi donc ?

— Des chansons !

— Des chansons ? oh ! comment est-ce que j’en ferais ? Cela ne se fait pas.

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