Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 1.djvu/178

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Christophe revint chez lui, étourdi de joie. Les pierres dansaient autour de lui. L’accueil qu’il reçut des siens le dégrisa un peu. Comme il se hâtait naturellement de leur raconter, tout glorieux, son exploit musical, ils jetèrent les hauts cris. Sa mère se moqua de lui. Melchior déclara que le vieux était fou, et qu’il ferait beaucoup mieux de se soigner, que de tourner la tête au petit ; quant à Christophe, il lui ferait le plaisir de ne plus s’occuper de ces niaiseries, de se mettre illico à son piano, et de jouer des exercices pendant quatre heures. Qu’il tâche d’abord d’apprendre à jouer proprement : pour la composition, il avait toujours le temps de s’en occuper plus tard, quand il n’aurait rien de mieux à faire.

Ce n’est pas, comme ces sages paroles auraient pu le faire croire, que Melchior se préoccupât de défendre l’enfant contre l’exaltation dangereuse d’un orgueil prématuré. Il devait se charger de démontrer promptement le contraire. Mais n’ayant jamais eu lui-même aucune idée à exprimer en musique, ni le moindre besoin d’en exprimer aucune, il en était arrivé, dans son infatuation de

166