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Le grondement du fleuve monte derrière la maison. La pluie bat les carreaux depuis le commencement du jour. Une buée d’eau ruisselle sur la vitre au coin fêlé. Le jour jaunâtre s’éteint. Il fait tiède et fade dans la chambre.

Le nouveau-né s’agite dans son berceau. Bien que le vieux ait laissé, pour entrer, ses sabots à la porte, son pas a fait craquer le plancher : l’enfant commence à geindre. La mère se penche hors de son lit pour le rassurer ; et le grand-père allume la lampe en tâtonnant, pour que le petit n’ait pas peur de la nuit à son réveil. La flamme éclaire la figure rouge du vieux Jean-Michel, sa barbe blanche et rude, son air bourru et ses yeux vifs. Il vient près du berceau. Son manteau sent le mouillé ; il traîne en marchant ses gros chaussons bleus. Louisa lui fait signe de ne pas trop approcher. Elle est blonde, presque blanche ; ses traits sont tirés ; sa douce figure mouton est marquée de taches de rousseur ; elle a des lèvres pâles et grosses, qui ne parviennent pas à se rejoindre, et qui sourient avec timidité ; elle couve l’enfant des yeux, — des yeux très bleus, très

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