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Jean-Christophe

avaient écrites étaient de pauvres hères, qui ne pensaient à rien, qu’à gagner de l’argent, ou à se faire illusion sur le vide de leur vie, en assemblant des notes, suivant les formules connues, ou, — pour être originaux, — à l’encontre des formules. Mais il y a dans les sons, même maniés par un sot, une telle puissance de vie, qu’ils peuvent déchaîner des orages dans une âme naïve. Peut-être même les rêves que suggèrent les sots sont-ils plus mystérieux et plus libres que ceux que souffle une impérieuse pensée, qui vous entraîne de force ; car le mouvement à vide et le creux bavardage ne dérangent pas l’esprit de sa propre contemplation…

Ainsi l’enfant restait, oublié, oubliant, dans le coin du piano, — jusqu’à ce que brusquement il sentît des fourmis lui monter dans les jambes. Et il souvenait alors qu’il était un petit garçon, avec des ongles noirs, et qu’il frottait son nez contre le mur tout blanc, en tenant ses pieds entre ses mains.