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essuyant sa large face avec un coin de tablier, et s’exclama :

— Holà ! Holà ! Au secours, monsieur le curé !

— Eh ! grosse bête, qu’y a-t-il ? demanda l’autre, impatienté.

— Ils viennent ! Ils viennent ! Ce sont eux !

— Qui ? Ces chenilles, qui s’en vont par les champs, en procession ? Je te l’ai dit, ne parle plus de ces païens, mes paroissiens !

— Ils vous menacent !

— Je m’en moque. Et de quoi ? D’un procès devant l’official ? Allons-y ! Je suis prêt.

— Ah ! mon monsieur, si ce n’était qu’un bon procès !

— Qu’est-ce donc ? Parle !

— Ils sont là-bas, chez le grand Picq, qui font des signes cabalistiques, des ésorchixmes, comme on dit, et qui chantent : « Saillez, mulots et hannetons, saillez des champs, allez manger dans le verger et dans la cave du curé ! »

À ces mots, Chamaille bondit :

— Ah ! ces maudits ! Dans mon verger, leurs hannetons ! Et dans ma cave… Ils m’assassinent ! Ils ne savent plus qu’inventer ! Ah ! Seigneur, saint Simon, venez au secours de votre curé !

Nous tentâmes de le rassurer, nous riions bien !

— Riez ! riez ! nous cria-t-il. Si vous étiez à ma place, mes beaux esprits, nous ne ririez pas autant. Eh ! parbleu, je rirais aussi, en votre peau : c’est bien commode ! Mais je voudrais vous voir devant cette nouvelle, et préparant table, cellier, appartement,