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sipent les nuées. Mais viennent en renfort saint Blaise chasse-vent, Christophe pare-grêle, Valérien avale-orage, Aurélien tranche-tonnerre, saint Clair fait le temps clair. La discorde est au ciel. Tous ces grands personnages se flanquent des horions. Et voici saintes Suzanne, Hélène et Scholastique qui se prennent au chignon. Le bon Dieu ne sait plus à quel saint se vouer. Et si Dieu n’en sait rien, que saura son curé ? Pauvre curé !… Enfin, ce n’est pas mon affaire. Je ne suis là que pour transmettre les prières. Et l’exécution regarde le patron. Aussi ne dirais-je rien (quoique cette idolâtrie, entre nous, me dégoûte… Mon doux Seigneur Jésus, êtes-vous mort en vain ? ) si du moins ces vauriens ne voulaient me mêler aux querelles du ciel. Mais (ils sont enragés ! ) ils prétendent se servir de moi et de la croix, comme d’un talisman, contre toutes les vermines qui dévorent leurs champs. Un jour c’est pour les rats qui rongent les grains des granges. Procession, exorcisme, prière à saint Nicaise. Jour glacé de décembre, de la neige jusqu’au dos : j’y pris un lumbago… Ensuite, pour les chenilles. Prières à sainte Gertrude, procession. C’est en mars : giboulées, neige fondue, pluie gelée : j’attrape un enrouement, je tousse depuis ce temps… Aujourd’hui, les hannetons. Encore une procession ! Il faudrait que je fisse le tour de leurs vergers (un gros soleil de plomb, des nuages pansus et bleu noir comme des mouches, un orage qui mitonne, je reviendrais avec un bon chaud refroidi) en chantant le verset : « Ibi ceciderunt fauteurs d’iniquité, atque expulsi sunt et