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Je vous prie de penser que nous ne nous attardons pas à les considérer ! Chacun crie : sauve qui peut ! On se pousse, on se rue. On détale à toutes jambes, sur la route, par les champs, celui-ci ventre à terre, celui-là sur l’autre versant de son individu. Nous trois nous sautons dans la voiture à âne. Comme si elle comprenait, Madelon part comme une flèche, fouettée à tour de bras par le curé Chamaille, qui a, dans son émoi, perdu tout souvenir des égards que l’on doit à l’échine d’un baudet marqué du signe de croix. Nous roulons au milieu d’un flot de gens qui poussent des cris de merlusine, et, couverts de poussière et de gloire, nous entrons à Clamecy, bons premiers, ayant sur nos talons le reste des fuyards. Et toujours au galop, la charrette sautant, Madelon ne touchant plus terre, le curé fouettant, nous traversons le faubourg de Béyant en criant :

— L’ennemi vient !

Les gens riaient d’abord, en nous voyant passer. Mais ils ne furent pas longs à comprendre. Aussitôt, ce fut comme une fourmilière, où l’on vient d’introduire un bâton. Chacun se démenait, sortait, rentrait, sortait. Les hommes s’armaient, les femmes faisaient leur paquet, les objets s’empilaient dans les hottes, les brouettes ; tout le peuple du faubourg, abandonnant ses lares, reflua vers la ville, à l’abri des murailles ; les flotteurs, sans ôter leurs costumes, leurs masques, cornus, griffus, pansus, qui en Gargantua, et qui en Belzébuth, coururent aux bastions, armés de gaffes et de harpons. Si bien