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se réveillant, partit en chasse ; et chaque fois qu’elle agrippait une bestiole, elle riait de contentement. C’est même charité, sans doute, si le Ciel nous a gratifiés, afin de nous distraire, de ces bêtes à deux pieds qui nous rognent la laine. Soyons donc gais, ô gué ! Vermine est, paraît-il, indice de santé. (Vermine, ce sont nos maîtres.) Réjouissons-nous, mes frères : car personne, en ce cas, n’est mieux portant que nous… Et puis, je vous dirai (à l’oreille) : « Patience ! nous tenons le bon bout. La froidure, les gelées, la canaille des camps et celle de la cour n’ont qu’un temps, s’en iront. La bonne terre reste, et nous pour l’engrosser. D’une seule ventrée, elle aura réparé… En attendant, buvons le fond de ma feuillette ! Il faut faire la place aux vendanges à venir. »

Ma fille Martine me dit :

— Tu es un fanfaron. À t’entendre, on croirait que tu ne fais jamais œuvre que du gosier : badauder, bavarder comme battant de cloche, bâiller de soif et bayer aux corneilles, que tu ne vis que pour faire bombance, que tu boirais Rome et Thome ; et tu ne peux rester un jour sans travailler. Tu voudrais qu’on te crût hanneton, étourdi, prodigue, désordonné, qui ne sait ce qui entre en ton escarcelle ni ce qui s’en va d’elle ; et tu serais malade, si tout dans ta journée n’était, heure par heure, exactement sonné, ainsi qu’horloge à carillon ; tu sais, à un sol près, tout ce que tu as dépensé depuis Pâques