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pour vendanger. Je sais bien que pour un qui part, il en vient trois, et que le bois dont on fabrique les lurons, les gars de Gaule, croît toujours dru, droit et serré. Mais ce ne sont plus les mêmes qu’on fabrique avec ce bois. Mille et mille aunes on tailleroit, jamais, jamais ne referoit Henry mon roi, ni mon Louis. Et c’était ceux-là que j’aimais… Allons, allons, mon Colas, ne nous attendrissons pas. Larme à l’œil ? eh ! grosse bête, est-ce que tu vas regretter de ne pouvoir, toute ta vie, remâcher la même bouchée ? Le vin n’est plus le même ? Il n’en est pas moins bon. Buvons ! Vive le roi qui boit ! Et vive aussi son peuple biberon !…

Et puis, pour être francs, entre nous, mes enfants, un bon roi est bien bon ; mais le meilleur, c’est encore moi. Soyons libres, gentils François, et nos maîtres envoyons paître ! Ma terre et moi nous nous aimons, nous suffisons. Qu’ai-je affaire d’un roi du ciel, ou de la terre ? Je n’ai besoin d’un trône, ici-bas, ni là-haut. À chacun sa place au soleil, et son ombre ! À chacun son lopin du sol, et ses bras pour le retourner ! Nous ne demandons rien d’autre. Et si le roi venait chez moi, je lui dirais :

— « Tu es mon hôte. À ta santé ! Assieds-toi là. Cousin, un roi en vaut un autre. Chaque François est roi. Et bonhomme est maître chez soi. »

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