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violons en tête, défila devant notre maison, bras dessous bras dessus, dansant derrière leur bâton. Avant de se rendre à l’église, ils faisaient le tour des bouchons. En me voyant, ils m’acclamèrent. Je me levai, je saluai mon patron, qui me le rendit. Par la fenêtre, je serrai leurs pattes noires, je versai dans l’entonnoir de leurs grands gousiers béants la goutte (autant verser vraiment une goutte dedans un champ ! ).

Sur le midi, mes quatre fils vinrent m’offrir leurs compliments. On a beau ne pas très bien s’entendre, il faut s’entendre une fois l’an ; la fête du père est sacrée : c’est le pivot autour duquel est accrochée la famille, comme un essaim ; en la fêtant, elle resserre son faisceau, et s’y contraint. Et moi, j’y tiens.

Donc, ce jour-là, mes quatre gars se trouvèrent réunis chez moi. Ils n’en avaient beaucoup de joie. Ils s’aiment peu, et je crois bien que je suis le seul lien entre eux. À notre époque, tout s’en va de ce qui faisait l’union entre les hommes : la maison, la famille et la religion ; chacun croit seul avoir raison, et l’on vit chacun pour soi. Je ne ferai le vieux qui s’indigne et rechigne, et qui croit que le monde avec lui finira. Le monde saura bien s’en tirer ; et je crois que les jeunes savent mieux ce qui leur convient que les vieux. Mais c’est un rôle ingrat que le rôle du vieux. Le monde autour de lui change ; et s’il ne change aussi, plus de place pour lui ! Or, moi, je n’entends pas de cette oreille-là. Je suis dans mon fauteuil. Holà, holà, j’y reste ! Et s’il faut,