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souvent. Et nous causons. Nous nous ressouvenons d’une autre fois déjà, il y a bien longtemps, où nous étions assis l’un près de l’autre, ainsi. Mais c’était elle alors qui se trouvait liée par le pied, s’étant fait une entorse, en voulant, une nuit (ah ! la chatte amoureuse ! ), sauter par la fenêtre, pour courir après son galant. En dépit de l’entorse, eh ! je l’ai bien rossée. Elle en rit à présent, et dit que je n’ai pas encore assez cogné. Mais alors, j’avais beau cogner et veiller ; et pourtant, je suis assez malin ; elle l’était dix fois plus que moi, la rusée, et me filait entre les mains. Au bout du compte, elle n’était pas aussi bête que je la croyais. Elle sut bien garder sa tête, à défaut du reste ; et ce fut le galant sans doute qui la perdit, puisqu’il est aujourd’hui, puisqu’il est son mari.

Elle rit avec moi de ses folies et dit, avec un gros soupir, que c’est fini de rire, les lauriers sont coupés, nous n’irons plus au bois. Et nous parlons de son mari. En brave femme, elle le juge honnête, en somme suffisant, pas amusant. Le mariage n’est pas fait pour le divertissement…

— Chacun le sait, dit-elle, et toi mieux que personne. C’est ainsi. Il faut se faire une raison. Chercher l’amour dans un époux est aussi fou que puiser l’eau dans un cribleau. Je ne suis folle, je ne me cause de tracas, en pleurant sur ce que je n’ai pas. De ce que j’ai, je me contente ; ce qui est est bien, comme il est. Point de regrets… Tout de même, à présent, je vois combien est loin de ce qu’on veut ce que l’on peut, de ce qu’on rêve en sa jeunesse ce qu’on