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si l’on ne devait jamais faire que ce qui est permis, la vie serait trop difficile. Les bois sont à la ville, et c’est pour en user. On en use, chacun sans bruit, il va sans dire. Et l’on n’abuse pas, on pense : « Après moi, les autres. » Mais prendre n’était rien. Il fallait emporter. Grâce aux voisins, j’en vins à bout, l’un me prêtant son char, l’autre ses bœufs, ou ses outils, ou plutôt un coup de main, parce qu’il n’en coûte rien. On peut tout demander au prochain, voire sa femme, hors qu’il vous donne son argent. Je le comprends l’argent est ce qu’on peut avoir, ce qu’on aura, ce qu’on aurait avec l’argent, tout ce qu’on rêve ; le reste, on l’a : on ne l’a guère.

Le jour où nous pûmes enfin, moi et mon Robinet dit Binet, commencer à dresser les premiers échafauds, les froids étaient venus. On me traitait de fou. Mes enfants me faisaient des scènes, chaque jour ! et les plus indulgents me conseillaient d’attendre au moins jusqu’au printemps. Mais je n’écoutais rien ; rien ne me plaît autant que de faire enrager les gens et les régents. Eh ! je le savais bien que je ne pourrais pas, à moi seul, et l’hiver, bâtir une maison ! Mais il me suffisait d’une cabane, un toit, une cage à lapins. Sociable, je suis, oui, mais à condition de l’être si je veux, et de ne l’être point, quand il me plaît. Je suis bavard, j’aime à causer avec les autres, oui mais je veux avec moi pouvoir causer aussi, seul à seul, à mes heures : de tous mes compagnons, c’est le meilleur, j’y tiens ; et pour le retrouver, je m’en irais nu-pieds sous la bise, et sans chausses. C’était donc pour m’entretenir avec