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d’une demoiselle qui faisait la sucrée, avec son fade amant. J’en avais la nausée ; je priais Florimond, au moins, de l’enlever de la table quand je mangeais ; les morceaux s’arrêtaient dans mon goulet, je m’étranglais. Mais l’animal (c’était son droit) s’y refusait. Il était fier de son nougat ; le plus grand art était pour lui une pièce montée. Et mes grimaces réjouissaient la maisonnée.

Que faire ? Rire de moi ; j’étais un sot, c’est sûr. Mais la nuit, je me retournais dans le lit comme une côtelette, tandis que sur le gril, sur mon toit, veux-je dire, sans arrêt la pluie grésillait. Et je n’osais me promener dans mon grenier, que mes gros pas faisaient trembler. Enfin, une fois que j’étais assis, les jambes nues, et méditant, dessus mon lit, je me dis : « Mon Colas Breugnon, je ne sais ni quand ni comment, mais je referai ma maison. » — À partir de ce moment, je fus plus gai : je conspirais. Je n’avais garde d’en parler à mes enfants : ils m’eussent dit qu’en fait d’habitation, je n’étais bon que pour les Petites-Maisons. Mais où trouver l’argent ? Depuis Orphée et Amphion, les pierres ne viennent plus danser en rond et, se faisant la courte échelle, bâtir les murs et les maisons, sinon au chant des escarcelles. La mienne avait perdu sa voix, qui jamais ne fut belle.

Je recourus sans hésiter à celle de l’ami Paillard. Le brave homme, à dire vrai, ne me l’avait point offerte. Mais comme bonnement j’ai plaisir à demander service à un ami, je crois qu’il en aura autant à le donner. Je profitai d’une éclaircie pour