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Je fus comme un coq en pâte, les premiers jours. Chacun me choyait, gâtait ; le Florimond lui-même était aux petits soins et me marquait plus d’égards qu’il ne m’en fallait. Martine le guettait, ombrageuse pour moi plus que je ne l’étais. Glodie me régalait de son petit caquet. J’avais le meilleur siège. À table, on me servait le premier. On m’écoutait, quand je voulais parler. J’étais très bien, très bien… Ouf ! Je n’en pouvais plus. J’étais mal à mon aise ; je ne tenais plus en place ; je descendais, je remontais, redescendait vingt fois par heure l’escalier de mon grenier. Chacun en était assommé. Martine, qui n’est point patiente, en tressautait, muette et crispée, en entendant mon pas craquer. Si c’eût été du moins l’été, j’eusse battu la campagne. Je la battais, mais au logis. L’automne était de glace ; les grands brouillards couvraient les prés ; et la pluie tombait, tombait, le jour, la nuit. J’étais cloué sur place. Et cette place n’était pas la mienne, jour de Dieu ! Ce pauvre Florimond avait un goût niais, avec prétention ; Martine ne s’en souciait ; et tout dans la maison, les meubles, les objets, me choquaient ; je souffrais ; j’eusse voulu changer tout, de forme ou de place, les mains me démangeaient. Mais le propriétaire veillait : si je touchais du bout du doigt un de ses biens, c’était toute une affaire. Il y avait surtout dans la salle à manger une aiguière ornée de deux pigeons, se bécotant, et