Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/272

Cette page n’a pas encore été corrigée

au duc, à lui baiser qu’à lui botter le cul. In medio stat la vertu. Un bon Gaulois sait la façon, quand il veut se moquer des gens, de le faire tranquillement, à leur barbe, sans qu’il y touche, et surtout sans qu’il lui en coûte. Ce n’est pas tout de se venger : il faut encore bien s’amuser. Or, voici ce que nous trouvâmes… Mais dois-je d’abord raconter la bonne farce que j’inventai, devant que la pièce soit jouée ? Non, non, ce serait l’éventer. Il suffit de noter, pour notre honneur à tous, que notre grand secret, quatorze jours durant, par toute la cité, fut connu et gardé. Et si l’idée première est de moi (j’en suis fier), chacun y ajouta quelque embellissement, l’un refaisant l’oreille, l’autre ajoutant ici une boucle, un ruban : en sorte que l’enfant se trouva bien pourvu ; il ne manquait de pères. Les échevins, le maire, en secret et discrets, s’informaient chaque jour des progrès du marmot ; et maître Delavau, nuitamment, se cachant le nez sous son manteau, venait s’entretenir avec nous de l’affaire, nous montrant la façon de violer la loi tout en la respectant, et triomphalement nous sortait de ses poches quelque laborieuse inscription en latin qui célébrait le duc et notre obéissance, et pouvait dire aussi tout juste le contraire.

*
* *

Enfin, le grand jour vint. Sur la place Saint-Martin, nous attendions les échevins, maîtres et compagnons, bien rasés, pomponnés, sagement alignés