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du chuchotant Beuvron, que rien n’étonne (il en vit d’autres ! ).

Tant que vécut le duc Louis, tout alla bien : car il feignait de ne rien voir. C’était un homme qui savait, pour mieux tenir son attelage sous le harnais, laisser du jeu à ses sujets. Que lui faisait que nous eussions l’illusion d’être libres et de jouer les fortes têtes, si dans le fait il était maître ? Mais son fils est un vaniteux, qui aime mieux paraître qu’être (cela se conçoit, il n’est rien), et qui monte sur ses ergots dès que l’on fait cocorico. Pourtant, il faut qu’un Français chante et qu’il se moque de ses maîtres. S’il ne se moque, il se révolte : il n’a de goût à obéir à qui veut être pris toujours au sérieux. Nous n’aimons bien que ce dont nous pouvons rire. Car le rire nous fait tous égaux. Mais cet oison s’avisa donc de nous faire inhibition d’aller jouer, danser, fouler, gâter l’herbe, en le Pré-le-Comte. Il prenait bien son temps ! Après tous nos malheurs, quand il eût dû plutôt nous dégrever d’impôts !… Ah ! mais nous lui montrâmes que les Clamecycois ne sont pas de ce bois dont on fait des fagots, mais de souche bien dure de chêne où la cognée a grand-peine à entrer, et, quand elle est entrée, plus grand-peine à sortir. Il ne fut pas besoin de se donner le mot. Ce fut un beau concert. Nous prendre notre pré ! Reprendre le cadeau qu’on nous avait donné, — ou que nous nous étions arrogé (c’est le même : un bien qu’on a volé et trois cents ans gardé devient propriété trois fois sainte et sacrée), un bien d’autant plus cher qu’il n’était pas à nous et que nous l’avions