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Or, juste à ce moment, voici que j’aperçois par-dessus les premiers rangs de ceux qui se tassaient, au goulot de l’escalier, collés l’un contre l’autre, et sans pouvoir bouger que des sourcils, des yeux, de la bouche qui hurlaient, mon vieux compain Éloi, dit Gambi, ce vaurien, pas méchant, mais soiffard (comment s’est-il fourré, bon Dieu, dans ce guêpier ? ) qui riait et pleurait, sans comprendre, hébété. Chenapan, fainéant, il l’a bien mérité ! Mais tout de même, on ne peut pas le voir ainsi griller… Nous avons joué, enfants, et nous avons mangé, à l’église Saint-Martin, ensemble le corps de Dieu : nous avons été frères de première communion…

J’écarte les épieux, je saute la barrière, je marche sur les têtes furieuses (elles mordaient) et par-dessus cette pâte humaine qui fumait, j’arrive à mon Gambi, que j’agrippe au collet. « Vingt dieux ! Oui, mais comment l’arracher de l’étau ? » pensais-je, en le prenant, « Il faudra le hacher pour avoir un morceau » … Par bonheur singulier (je dirais qu’il y a un Dieu pour les ivrognes, si tous n’avaient autant mérité ses faveurs), mon Gambi se trouvait sur le bord d’une marche, vacillant en arrière, lorsque ceux qui montaient l’avaient sur leurs épaules soulevé de telle sorte qu’il ne touchait plus terre et restait suspendu, pareil a un noyau qu’on presse entre les doigts. En m’aidant des talons pour écarter, à droite, à gauche, les épaules qui lui serraient les côtes, de la gueule de la foule, je parvins à sortir sans peine le noyau, proprement