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Enfin, l’on se trouva aux portes de l’entrepôt. La nuée des pillards grouillait dans la maison de maître Pierre Poullard, comme des poux sur une toison. Les uns déménageaient des coffres, des ballots ; d’autres s’étaient vêtus de défroques volées ; certains joyeux farceurs jetaient, pour rigoler, les vases et les pots, des fenêtres du premier. Au milieu de la cour, on roulait des barriques. J’en vis un qui buvait, bouche collée à la bonde, jusqu’à ce qu’il s’écroulât, les quatre fers en l’air, sous le rouge pissat. Le vin formait des mares, que des enfants lapaient. Et, afin d’y mieux voir, ils avaient mis en tas des meubles dans la cour, et les faisaient flamber. Au fond des caves, on entendait les maillets qui défonçaient les futailles, les feuillettes ; des hurlements, des cris, des toux qui s’étranglaient : par-dessous terre, la maison grognait, comme si dans son ventre elle portait un troupeau de gorets. Et déjà, çà et là, sortaient des soupiraux des langues de fumée qui léchaient les barreaux.

Nous pénétrâmes dans la cour. Ils ne s’occupaient pas de nous. Chacun à son affaire. Je dis :

— Roule, Bardet !

Bardet battit sa caisse. Il cria les pouvoirs que la ville m’accordait ; et, donnant de la voix à mon tour, je sommai les pillards de partir. Aux roulements du tambour, ils s’étaient rassemblés, comme un essaim de mouches, quand on frappe un chaudron. Et lorsque notre bruit cessa, tous ils recommencèrent, furieux, à bourdonner, et sur nous se lancèrent, en sifflant et huant et nous jetant des