Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/257

Cette page n’a pas encore été corrigée

plein les bajoues et la panse, s’empiffrent, les cochons, de millions à crever, et quand le roi est mort, vont piller son trésor ! Voilà leur honneur à eux ! Vrai, nous serions bien bêtes de ne pas les imiter !

Roi de Calabre jura :

— Ce sont des marcassins. Quelque jour, notre Henri reviendra de sa fosse pour leur faire rendre gorge, ou bien ce sera nous qui les ferons rôtir tout farcis de leur or. Si les grands font les porcs, mordia ! on les saignera ; mais dans leur porcherie, on ne les imitera. L’exemple, nous le donnons, nous. Il y a plus d’honneur dans la cuisse d’un flotteur que dans le cœur d’un genpillehomme.

— Alors, mon roi, tu viens ?

— Je viens ; et cestuy-là, Gueurlu aussi viendra.

— Non, que diable !

— Tu viendras, que je dis, ou tu vois la rivière, et je te fous en bas. Allons, ouste, marchons. Et vous, par la Mer Dé[13], place, andouilles, je passe !

Il passait, refoulant les gens avec ses pilons. Et nous dans le remous, suivions comme un fretin derrière un gros poisson. Ceux que l’on rencontrait maintenant étaient trop « bus », pour que l’on pût penser encore à discuter. Chaque chose en son lieu : les arguments de langue, d’abord, et puis les poings. On tâchait seulement de les asseoir par terre, sans trop les abîmer : un soûlard, c’est sacré !