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pensera rien. L’honneur est une denrée de luxe pour les riches, les bêtes qu’on enterre avec des épitaphes. Nous, on sera tous ensemble, dans la fosse commune, comme des tranches de merluche. Va-t’en voir celle qui pue l’honneur ou bien l’ordure !

— Seul, chacun, on n’est rien, c’est vrai, mon roi de Calabre ; mais tous, on est beaucoup. Cent petits font un grand. Quand auront disparu ces riches d’aujourd’hui, quand seront effrités, avec leurs épitaphes, les mensonges de leurs tombes et le nom de leurs races, on parlera encore des flotteurs de Clamecy ; ils seront dans son histoire sa noblesse aux rudes mains, à la tête dure comme leurs poings, et je ne veux pas qu’on dise qu’ils furent des coquins.

Gueurlu dit :

— Je m’en fous.

Mais le roi de Calabre, après avoir craché, cria :

— Si tu t’en fous, tu n’es qu’un saligoud. Il a raison, Breugnon. De savoir que ça se dit, ça me vexerait aussi. Et par saint Nicolas, ça ne se dira pas. L’honneur n’est pas aux riches. On le leur fera bien voir. Qu’il soit sire ou messire, pas un d’eux qui nous vaille !

Gueurlu dit :

— Faut-il donc se gêner ? Est-ce qu’ils se gênent, eux ? Y a-t-il plus grand goulafre que ces princes, ces ducs, le Condé, le Soissons, et le nôtre, le Nevers, et le gros d’Épernon, qui, lorsqu’ils en ont