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Sur la proie ils se lancèrent, en hurlant ; et l’un criait :

— Nous allons coucher l’enfant !

Le gibier, par bonheur, se sauva dans l’alcôve ; et, appuyé au mur, hagard, il regardait les museaux prêts à mordre. Moi, je retins les chiens :

— Tout beau ! Laissez-moi faire !

Ils restaient en arrêt. Le misérable, nu, rose comme un goret, grelottait de frayeur et de frais. J’eus pitié. Je lui dis :

— Allons, passe tes chausses ! Nous avons assez vu, mon bon ami, ton cul.

Ils rirent comme des bossus. Je profitai de l’accalmie, pour leur parler raison. L’animal cependant rentrait dedans sa peau, claquant des dents, et l’œil mauvais : car il sentait que le danger s’éloignait. Quand il fut habillé, sûr que ce ne serait encore pour aujourd’hui qu’on happerait le lièvre, il redevint vaillant et il nous insulta ; il nous nomma rebelles et menaça de nous faire condamner, pour insulte au magistrat. Je lui dis :

— Tu ne l’es plus. Magistrat, je te destitue.

Alors, ce fut contre moi qu’il tourna sa colère. Le désir de se venger était plus fort que la prudence. Il dit qu’il me connaissait bien, que c’était moi dont les conseils avaient tourné les cerveaux faibles de ces mutins, qu’il ferait tomber sur moi le poids de leurs attentats, que j’étais un scélérat. Dans sa rage bredouillante, d’une voix aigre et sifflante, il déchargea sur mon dos un tombereau de gros mots. Gangnot dit :