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yeux, l’air doucereux, pas bon ni bête. Il nous le fit bien voir. Dès le premier instant, il sut, à n’en pas douter, ce dont il retournait. Ce ne fut qu’un éclair de peur et de colère dans ses petits yeux gris, enfouis sous le bourrelet des paupières. Mais tout de suite, il se ressaisit, et, d’une voix d’autorité, il nous demanda de quel droit nous avions envahi la maison de la loi.

Je lui dis :

— Pour t’arracher de son lit.

Il s’emporta. Saulsoy lui dit :

— Maître Racquin, ce n’est plus l’heure de menacer. Vous êtes ici l’accusé. Nous venons demander vos comptes. Défendez-vous.

Il changea subito de musique.

— Mais, chers concitoyens, dit-il, je ne m’explique ce que vous voulez de moi. Qui se plaint ? Et de quoi ? Au risque de ma vie, ne suis-je pas resté ici, pour vous garder ? Quand tous les autres fuient, seul j’ai dû tenir tête à l’émeute et la peste. Que me reproche-t-on ? Suis-je cause des maux que j’essaie de panser ?

Je dis :

— « Médecin avisé fait, dit-on, plaie puante. » Ainsi fais-tu, Racquin, médecin de la cité. Tu engraisses l’émeute et tu nourris la peste, et tu leur trais le pis, après, à tes deux bêtes. Tu t’entends avec les larrons. Tu mets le feu à nos maisons. Tu livres ceux que tu dois garder. Tu guides ceux que tu dois frapper. Mais dis-nous, traître, est-ce par peur, ou par cupidité que tu fais ce honteux métier ? Que