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verra bien ! Hop là ! je prends mon élan, je fais comme à la Saint-Jean, je saute, ma culotte brûle, et j’ai le poil grillé. Je tombe dans un tas de copeaux qui pétaient. J’en fis autant, je rebondis, je bute et je m’allonge, la tête contre l’établi. J’en restai étourdi. Pas longtemps. J’entendais, autour, le feu qui ronflait, et ces brutes, dehors, qui dansaient, qui dansaient. J’essaie de me relever, je retombe, j’étais meurtri ; je m’arc-boute sur mes abattis, et je vois à dix pas votre petite sainte Madeleine, dont le menu corps tout nu, de ses cheveux vêtu, grassouillet, mignonnet, était déjà par le feu pourléché. Je criai :

« Arrêtez ! » Je courus, je la pris, dans mes mains j’éteignis ses beaux

pieds qui flambaient, dans mes bras l’étreignis ; ma foi, je ne sais plus, je ne sais plus ce que je fis ; je l’embrassais, je pleurais, je disais : « Mon trésor, je te tiens, je te tiens, n’aie pas peur, je t’ai bien, tu ne brûleras pas, je t’en donne ma parole ! Et toi aussi, aide-moi ! Madelon, nous nous sauverons… » N’y avait plus de temps à perdre,… boum !… le plafond tombait ! Impossible de revenir par où j’étais venu. Nous nous trouvions tout près de la lucarne ronde qui donne sur la rivière ; j’enfonce du poing le verre, nous passons au travers, ainsi qu’en un cerceau : il y avait juste la place pour notre râble à tous deux. Je roule, je pique une tête jusqu’au fond du Beuvron. Heureusement que le fond est près de la surface ; et comme il était bien gras et rembourré de moelle, Madeleine en tombant ne s’est pas fait une bosse. Moi, je fus moins heureux : je ne l’avais point lâchée, je barbotais, empêtré, le