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elle venait de monter, elle pouvait, se retournant, voir par-dessus nos têtes ce que je ne voyais pas, elle se redressa de sa couche funèbre, roide comme celui que Jésus réveilla, tendit les bras vers nous et cria :

— Ma Glodie !

À mon tour, je compris, transpercé par ce cri et par la rauque toux qui venait d’à côté. Je courus, je trouvai ma pauvre petite alouette, qui, la gorge serrée, cherchant de ses menottes à desserrer l’étreinte, toute rouge et brûlante, implorait de ses yeux effarés du secours, et qui se débattait, comme un oiseau blessé…

Ce que fut cette nuit, je ne puis le raconter. À présent que j’en suis à cinq jours bien comptés, de me la remémorer, j’ai les jambes cassées ; il faut que je m’assoie. Han ! laissez-moi souffler… Faut-il qu’il y ait au ciel un Maître qui se complaise à faire lentement souffrir ces petits êtres, à sentir sous ses doigts leur frêle cou craquer, à les voir se débattre et pouvoir supporter leur regard de reproche étonné ! Je comprends qu’on étrille de vieux ânes comme moi, que l’on fasse du mal à qui peut se défendre, des gars solides, des femelles râblées. Que vous vous amusiez à nous faire crier, si vous pouvez, bon Dieu, essayez ! L’homme est à votre image. Que vous soyez, comme lui, pas très bon tous les jours, capricieux, malicieux, aimant nuire, de temps en temps, par besoin de détruire, d’éprouver votre force, par âcreté de sang, parce que vous êtes mal luné, ou bien par passe-temps, cela ne m’étonnerait