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cœur, deux fois sur les deux joues. Et la seconde fois, elle pleura.

Nous restâmes alors, tranquilles, sans parler, tous deux seuls dans la chambre, où dans la boiserie la vrillette frappait, à coups secs, le tic-tac de l’horloge funèbre. Les gens étaient allés dans la pièce à côté. Elle, péniblement, ahanait, et je vis qu’elle voulait parler.

Je dis :

— Ne te fatigue pas, ma vieille. On s’est tout dit, depuis vingt-cinq années. On se comprend sans parler.

Elle dit :

— On ne s’est rien dit. Faut que je parle, Colas ; sans quoi le paradis… où je n’entrerai pas…

— Mais si, mais si, que je fis.

—… Sans quoi le paradis me serait plus amer que le fiel de l’enfer. Je fus pour toi, Colas, aigre et acariâtre…

— Mais non, mais non, que je fis. Un peu d’acidité, c’est bon pour la santé.

—… Jalouse, colérique, querelleuse, grondeuse. De ma mauvaise humeur j’emplissais la maison ; et je t’en ai fait voir, de toutes les façons… je lui tapotai la main :

— Ça ne fait rien. J’ai le cuir bon. Elle reprit, sans souffle :

— Mais c’est que je t’aimais.

— Ça, si je m’en doutais ! fis-je en riant. Après tout, chacun a sa manière. Mais que ne me l’as-tu dit ! La tienne n’était pas claire.