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j’enfonçai mes bras dans ma terre, et je dis :

— Veux-tu de moi ? Moi je veux bien.

Ma bonne terre grasse et molle, j’y entrai jusqu’aux coudes ; elle fondait comme un sein, et je la fourrageais, des genoux et des mains. Je la pris à bras-le-corps, j’y marquai mon empreinte, de l’orteil jusqu’au front ; j’y fis mon lit, je m’y carrai ; étendu tout du long, je regardais le ciel et ses grappes d’étoiles, bouche bée, comme si j’attendais qu’une d’elles vînt me pleuvoir sous le nez. La nuit de juillet chantait un Cantique des Cantiques. Un grillon ivre criait, criait, criait, à s’en faire périr. La voix de Saint-Martin soudain sonna douze heures, ou bien quatorze, ou seize (sûrement, ce n’était pas une sonnerie ordinaire). Et voici que les étoiles, les étoiles d’en haut et celles de mon jardin se mettent à carillonner… Ô Dieu ! quelle musique ! Le cœur m’en éclatait, et mes oreilles grondaient, comme les vitres, quand il tonne. Et du fond de mon trou, je voyais s’ériger un arbre de Jessé : un cep de vigne, tout droit, tout empenné de pampres, qui me montait du ventre ; je montais avec lui ; et me faisait escorte tout mon verger, chantant ; à la plus haute branche, une étoile suspendue dansait comme une perdue ; et la tête renversée en arrière pour la voir, pour l’avoir je grimpais, bramant à pleins poumons :

 Grain d’chasselas, 
 Ne t’en va pas ! 
 Hardi, Colas ! 
 Colas t’aura, 
 Alléluia !