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Je le ferai, dis-je, je le ferai, pour toi, pour moi, et pour Lui. Dieu me garde de manquer aux égards que je dois à toute la compagnie ! Mais, s’il te plaît, je veux d’abord dire deux mots à monsieur mon notaire.

— Tu les diras après.

— Point. Maître Paillard, premier.

— Y penses-tu, Breugnon ? Faire passer l’Éternel après le tabellion !

— L’Éternel peut attendre, ou se promener, s’il lui plaît : je le retrouverai bien. Mais la terre me quitte. La politesse veut que l’on fasse visite à qui vous a reçu, avant d’en faire à qui vous recevra… peut-être.

Il insista, pria, menaça, cria. Je n’en démordis point. Maître Antoine Paillard tira son écritoire, et, sur la borne assis, rédigea, dans un cercle de curieux et de chiens, mon testament public. Après quoi, je disposai de mon âme gentiment, comme j’avais fait de mon argent. Lorsque tout fut fini (Chamaille me continuait ses exhortations), je dis, d’une voix mourante :

— Baptiste, reprends haleine. C’est très beau, ce que tu dis. Mais pour homme altéré, conseil d’oreille ne vaut pas une groseille. À présent que mon âme est prête à monter en selle, je voudrais au moins boire le coup de l’étrier. Gens de biens une bouteille !

Ah ! les braves garçons ! Non moins que bons chrétiens, tous deux bons Bourguignons, comme ils ont bien compris ma dernière pensée ! Au lieu d’une bouteille, ils m’en apportèrent trois : Chablis,