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plus peut-être que pour une heure ou deux, et tu vas, imbécile, la gaspiller au vent ! Jouissons de ce qui nous reste de cette belle vieille carcasse qu’il nous faudra quitter (las ! mon amie, ce sera bien malgré moi ! ) ; On ne meurt qu’une fois. Au moins, satisfaisons notre curiosité. Voyons comment on fait pour sortir de sa peau. Lorsque j’étais enfant, personne ne savait mieux, avec des branches de saule, fabriquer de beaux flûtiaux. Du manche de mon couteau je cognais sur l’écorce, jusqu’à ce qu’elle se dépiautât. Je suppose que Celui qui me regarde, de là-haut, est en train de s’amuser de même avec la mienne. Hardi ! s’en ira-t-elle… Aïe ! le coup était bon !… Est-il permis qu’un homme de cet âge se plaise à des balivernes de petit garçon ?… Çà, Breugnon, ne lâche point, et tandis que l’écorce tient encore, observons et notons ce qui se passe dessous. Examinons ce coffre, écumons nos pensées, étudions, ruminons, remâchons les humeurs, qui, dans mon pancréas, se remuent, font remous et querelles d’Allemands ; savourons ces coliques, sondons et retâtons nos tripes et nos rognons[11]…

…Ainsi, je me contemple. De temps en temps, j’interromps, pour brailler, mes investigations. La nuit ne passait guère. J’allume ma chandelle, je la fiche dans le goulot d’une vieille bouteille (elle fleurait le cassis, mais le cassis était loin : image de ce que je promettais d’être avant le lendemain ! Le corps é