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fraîches nouvelles et vin frais ? J’en eusse crevé de dépit.

Je sortis donc, voyant un vieux fermier que je connaissais bien, le père Grattepain, de Mailly-le-Château. Nous trinquâmes ensemble. C’était un gros réjoui, rond, rouge et râblé, qui luisait au soleil de sueur et de santé. Il faisait le glorieux, encore bien plus que moi, narguant la maladie et disant que c’était invention des médecins. Il n’y avait que de pauvres hères, à l’en croire, qui mouraient, non de mal, mais de peur.

Il me disait :

— Je vous donne ma recette pour rien :

 Tiens tes pieds bien au chaud, 
 Tiens vides tes boyaux.
 Ne vois pas Marguerite, 
 De tout mal seras quitte.

Nous passâmes une bonne heure à nous souffler dans le nez. Il avait la manie de vous tapoter la main et de vous pétrir la cuisse ou le bras, en parlant. Je n’y pensais pas alors. J’y pensai, le lendemain.

Le lendemain, le premier mot que me dit mon apprenti fut :

— Vous savez, patron, le père Grattepain est mort…

Ah ! je ne fus pas fier, j’en eus froid dans le dos. Je me dis :

— Mon pauvre ami, tu peux graisser tes bottes ; ton histoire est finie, ou ne tardera guère…