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Après, il vit dans le château des meubles miens et des panneaux. M. d’Asnois se pavanait. Ces riches bêtes ! On dirait que cette œuvre qu’ils ont payée, de leurs deniers, ils l’ont créée !… Le Maillebois, pour m’honorer, jugea séant de s’étonner que je restasse en ce pays, étouffé, loin des grands esprits de Paris, et demeurasse cantonné en ces travaux de patience, de vérité, rien d’inventé, — d’attention, nulle envolée, — d’observation, point d’idées, point de symbole, allégorie, philosophie, mythologie, — bref, rien de tout ce qui assure le connaisseur que c’est de la grande sculpture. (Un grand seigneur n’admire rien qui ne soit grand.)

Je répondis modestement (humble je suis, un peu benêt) que je savais très bien le peu que je valais, que chacun dans ses limites doit s’enfermer. Un pauvre homme de notre sorte n’a rien vu, rien entendu, ne connaît rien, donc il se tient, quand il est sage, à l’humble étage du Parnasse, où l’on s’abstient de tout dessein vaste et sublime ; et de la cime où se profilent les ailes du sacré cheval, détournant ses yeux effrayés, il creuse en bas, au pied du mont, la carrière dont les pierres pourront servir à sa maison. D’esprit borné par pauvreté, il ne fait rien, ne conçoit rien qui ne soit d’usage quotidien. L’art utile, voilà son lot.

— L’art utile ! Les deux mots jurent ensemble, dit mon sot. Il n’est de beau que l’inutile.

— Grande parole ! acquiesçai-je. Il est bien vrai. Partout dans l’art et dans la vie. Rien n’est plus