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lèvres blanchies de la vie…, oy ty, oy ty, la la-i, la la la, laderi, la rifla…, de quels cris, mes amis, de quels transports d’amour ils célèbrent le jour ! Tout ce qu’on a souffert, ce qu’on a redouté, l’épouvante muette et le sommeil glacé, la nuit, tout, oy ty, tout… frrtt… est oublié. Ô jour, ô jour nouveau !… Apprends-moi, mon Merlot, ton secret de renaître, à chaque aube nouvelle, avec la même foi inaltérable en elle !…

Il continuait de siffler. Sa robuste ironie me ragaillardissait. Sur la terre accroupi, je sifflai comme lui. Le coucou…, « cocu blanc, cocu noir, gris cocu nivernais » jouait à cache-cache, au fond de la forêt.

« Coucou, coucou, le diable te cass’ le cou ! »

Avant de me relever, je fis une cabriole. Un lièvre qui passait, m’imita : il riait ; sa lèvre était fendue, à force d’avoir ri. Je me remis en marche, chantai à pleins poumons :

— Tout est bon, tout est bon ! Compagnons, le monde est rond. Qui ne sait nager, il va au fond. Par mes cinq sens ouverts à fenêtres larges, à pleins battants, entre, monde, coule en mon sang ! Vais-je bouder la vie, ainsi qu’un grand niais, parce que je n’ai point d’elle tout ce que j’en voudrais ? Quand on se met à vouloir, « Si j’avais… Quand j’aurai… », il n’y a plus moyen de jamais s’arrêter ; on est toujours déçu, on souhaite toujours plus qu’il ne vous est donné ! Même M. de Nevers. Même le Roi. Même Dieu le Père. Chacun a ses limites, chacun est dans sa sphère. Vais-je m’agiter, gémir, parce