Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/140

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne tenions pas beaucoup à ce qu’on nous vît entrer : on eût daubé sur nous. Et puis, voulions surprendre la Belette dolente, seule, pleurant, s’accusant :

« Hélas ! m’ami, m’ami, pourquoi es-tu parti ? » Qu’elle s’en mordît les doigts et soupirât, nul doute ; mais qui était l’ami ? Chacun répondait :

— Moi.

Or, arrivés sans bruit le long de son jardin (une sourde inquiétude nous picotait le sein), sous sa fenêtre ouverte et baignée par la lune, à la branche d’un pommier nous vîmes accroché… Que croyez ? Une pomme ? Un chapeau de meunier ! Vous conterai-je la suite ? Bonnes gens, vous seriez trop aises. Jà, je vous vois, farceurs, qui vous épanouissez. Le malheur du voisin est pour vous divertir. Cocus sont toujours contents que croisse la confrérie…

Quiriace prit son élan et bondit comme un daim (il en avait les cornes). Fonça sur le pommier au fruit enfariné, escalada le mur, s’engouffra dans la chambre, d’où sortirent aussitôt des cris, des glapissements, des mugissements de veau, des jurons…

— Vertusguoy, ventreguoy, sacripant, sacredieu, au meurtre, à mort, à l’aide, cocu, coquin, coquard, catin, crottin, cafard, crapaud, croquant, carcan, je t’essorillerai, je te boyauderai, je t’en baillerai de vertes, des mûres et des blettes, je te talerai le derrière, attrape, face à clystère !…

Et des beugnes, et des bignes… Et vlan ! et pan ! et rran ! Patatras ! vitres brisées, vaisselle cassée, meubles qui croulent, gros corps qui roulent, fille qui piaille, mâtins qui braillent… À cette musique