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aux genoux, une belle fille alerte, balançant des deux mains brunes et vigoureuses deux arrosoirs pleins d’eau sur les têtes feuillues des plantes qui ouvraient leur petit bec, pour boire… Et moi, j’ouvrais le mien, qui n’était point petit, ébahi, pour mieux voir. Elle allait, elle venait, versant ses arrosoirs, retournant les emplir ensuite à la citerne, des deux bras à la fois, se relevant comme un jonc, et revenant poser avec précaution, dans les minces allées, sur la terre mouillée, ses pieds intelligents aux doigts longs, qui semblaient tâter au passage les fraises mûres et les caprons. Elle avait des genoux ronds et robustes de jeune garçon. Je la mangeais des yeux. Elle, n’avait point l’air de voir que je la regardais. Mais elle s’approchait, versant sa petite pluie ; et quand elle fut tout près, soudain elle me décocha le trait de sa prunelle… Aïe ! je sens l’hameçon et le réseau serré des lacs qui m’entortillent. Qu’il est bien vrai de dire que « l’œil de la femelle une araignée est tel » ! À peine fus-je touché, je me débattis… Trop tard ! Je restai, sotte mouche, collé contre mon mur, les ailes engluées… Elle ne s’occupait plus de ce que je faisais. Sur ses talons assise, elle repiquait ses choux. De temps en temps seulement, d’un clin d’œil de côté, l’astucieuse bête s’assurait que la proie au piège restait prise. Je la voyais ricasser, et j’avais beau me dire : « Mon pauvre ami, va-t’en, elle se gausse de toi », de la voir ricasser, je ricassais aussi. Que je devais donc avoir la face d’un abruti !… Brusquement, la voilà qui fait un bond de