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y compris le boire et manger : car l’esprit ne doit point le corps faire oublier. Après que tous deux eurent satisfaction, je repris le chemin par où j’étais venu, et je m’en retournai gaillardement à la maison.

Déjà je me trouvais à la croisée des routes, et, bien que je n’eusse aucun doute sur celle que je devais suivre, je louchais sur l’autre chemin que je voyais ruisseler parmi les prairies, entre les haies fleuries.

« Qu’il ferait bon, me disais-je, flâner de ce côté ! Au diable les

grandes routes, qui mènent au but tout droit ! Le jour est beau et long. N’allons pas, mon ami, plus vite qu’Apollon. Nous arriverons toujours. Notre vieille n’aura point perdu son caquet, pour attendre… Dieu, que ce petit prunier à la frimousse blanche est plaisant à regarder ! Allons à sa rencontre. Rien que cinq ou six pas. Le zéphir fait voler dans l’air ses petites plumes : on dirait une neige. Que d’oiseaux gazouillants ! Ho ! Ho ! quel délice !… Et ce ruisseau qui glisse, en grommelant, sous l’herbe, comme un chaton qui joue à chasser une pelote par-dessous un tapis… Suivons-le. Voici un rideau d’arbres qui s’oppose à sa course. Il sera bien attrapé… Ah ! le petit mâtin, par où est-il passé ?… Ici, ici, dessous les jambes, les vieilles jambes noueuses, goutteuses, et gonflées de cet orme étêté. Voyez-vous l’effronté !… Mais où diable ce chemin peut-il bien me mener ?… »

Ainsi, je devisais, marchant sur les talons de mon ombre bavarde ; et je feignais, hypocrite, d’ignorer de quel