Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/108

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mieux. Et l’on criait, pour exciter chacun le sien :

— Cz ! Cz ! vas-y, monsieur Grasset ! Mords-lui la crête, mons Pétaud ! Çà, çà, rabats-lui le caquet ! Aïe donc ! hardi, bourriquet !…

Mais ces rossards se contentaient de se cracher leur rage au nez, sans s’empoigner, par peur sans doute de gâter leurs beaux effets. À ce compte, la discussion eût risqué de s’éterniser (car n’était pas à craindre que le bec leur gelât), sans M. le curé, inquiet d’arriver en retard à dîner. Il dit :

— Mes chers enfants, le bon Dieu vous entend, le repas vous attend ; ne faut en aucun cas faire attendre un repas, faire entendre au Seigneur, notre mauvaise humeur, en son temple. Lavons le linge à la maison…

S’il ne le dit du moins (car je n’entendais rien), ce dut être le sens : car je vis à la fin que ses deux grosses mains empoignaient par la nuque et rapprochaient leurs mufles pour un baiser de paix. Après quoi, ils sortirent, mais sur la même ligne, ainsi que deux piliers encadrant au milieu le ventre du curé. Au lieu d’un maître, trois. À disputes de maîtres, peuple ne perd jamais.

*
* *

Ils étaient tous passés et rentrés au château, pour manger le dîner qu’ils avaient bien gagné ; nous restions, grosses bêtes, à bâiller sur la place, autour de la marmite que nous ne voyions pas, comme