Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/105

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pour voir entrer la noce, les voilà tous qui prennent leurs jambes à leur cou, et grimpent quatre à quatre vers la place du château. Vous pensez si je fus le dernier à courir ! Ce sont là des aubaines qu’on n’a point tous les jours. Seuls, Trinquet et Gadin et Fétu, les flâneurs, ne daignèrent lever leur derrière vissé au bord de la rivière, disant que ce n’était à eux, gens du faubourg, d’aller faire visite aux bourgeois de la tour. Certes, j’aime l’orgueil, et l’amour-propre est beau. Mais lui sacrifier mon divertissement…, serviteur, mon amour ! Ta façon de m’aimer vaut celle du curé qui me fouettait gamin, disait-il, pour mon bien…

Bien que j’eusse avalé d’un seul trait l’escalier de trente et six degrés qui monte à Saint-Martin, j’arrivai (quel malheur ! ) sur la place trop tard pour voir la noce entrer. Fallut donc (c’était de toute nécessité) que j’attendisse qu’elle sortît. Mais ces sacrés curés n’en ont jamais assez de s’entendre chanter. Pour occuper le temps, je parvins à entrer, à grand’sueur, dans l’église, en foulant gentiment les bedons complaisants et les coussins charnus ; mais je me trouvai pris, à l’entrée du parvis, sous l’édredon humain, ainsi que dans un lit, bien au chaud, sous la plume. N’eût été l’endroit saint, j’avoue que j’aurais eu quelques pensées folâtres. Mais il faut être grave, il y a temps et lieu ; et quand je dois, je puis l’être comme un baudet. Mais il arrive aussi que le bout de l’oreille reparaît quelquefois, et que le baudet brait. Il arriva, ce jour : car tandis que, dévot et discret, je suivais, en bâil-